Aucun doute, l’Écosse est bien le pays du golf, là où tout a commencé. Plus de 250 ans après la naissance du Royal & Ancient, le club mythique de Saint Andrews, les parcours continuent de voir le jour, plus de 500 aujourd’hui, offrant aux visiteurs une variété entre les clubs légendaires et des tracés plus modernes, plus spectaculaires mais tout aussi traditionnels.
Le débat sur la genèse du golf est un vaste sujet qui va chercher ses racines en Chine, en Hollande, en France selon les hypothèses… Et bien sûr en Écosse, là où les moutons n’ont pas attendu de voir édictées les premières Règles de golf en 1744 à Muirfield pour voir des hommes taper dans des pierres puis des balles sur les vastes dunes du bord de mer. Lors de la création de l’université de Saint Andrews en 1413, le jeu était déjà très populaire. En 1754, la création du Royal & Ancient, installé face à un parcours qui ne s’appelait pas encore le Old Course, a posé les jalons d’un sport naissant. Même si le terrain de l’époque n’a plus rien à voir avec celui qui vient d’accueillir le British Open pour la 29e fois de l’existence du plus ancien tournoi au monde, ce site demeure la référence dès que l’on parle de l’Histoire du golf.
La Mecque écossaise.
Comme tout Musulman devrait faire un pèlerinage au moins une fois dans sa vie à La Mecque pour aller prier devant la Kaaba, tout golfeur devrait se rendre à Saint Andrews pour jouer le Old Course, ce parcours qui fait face à cette bâtisse massive de granit gris, le saint des saints du golf dans le monde, le Royal & Ancient. Même s’il est assez compliqué d’obtenir un départ sur ce terrain, planter son tee sur le tertre du 1 est un souvenir impérissable tandis que le starter vous nomme à haute voix devant quelques promeneurs tirés par leur chien pressé de rejoindre la plage voisine. Même si le fairway commun aux trous 1 et 18 est plus large qu’une autoroute à huit voies, les habitués voient toutes sortes de drive chaque matin. Difficile de transcrire cette émotion, peut-être équivalente à celle vécue par un pro qui ferait ses débuts en Ryder Cup… C’est peu dire ! Souvent accompagnés de caddies du cru hermétiques aux acrobaties des amateurs, les joueurs s’évaporent ensuite dans la lande sous le soleil, sous la pluie, mais toujours dans le vent. Comme la plupart des links, le tracé va dans un sens jusqu’au 9 avant de revenir au bercail mais ici quatorze trous partagent un double green, ce qui ne fait que compliquer les putts sur des surfaces tondues ras immensément grandes. Les pentes ne simplifient pas les choses… Pas plus que la multitude de bunkers dépassant à peine du sol où les balles se précipitent avec une attirance magnétique. S’éloignant des lumières de la ville vers la plage sur une pointe dunaire bordant l’estuaire de la rivière Eden face aux vagues de la mer du Nord, le parcours se mélange aux autres tracés réunis aujourd’hui sous l’entité de St Andrews Links. Pas moins de six autres parcours enchevêtrés dans ces mamelons de sable, le New Course – 120 ans cette année -, le Jubilee, le Castle, l’Eden, le Strathtyrum et le Balgove courses, plus ou moins compliqués, plus ou moins réputés, plus ou moins appréciés mais profitant tous de la même herbe et d’un entretien irréprochable à l’année. C’est l’image de marque de tout un pays qui est entre les mains de ces jardiniers face aux milliers de touristes qui traversent la planète chaque année pour venir jouer ici, boire une bière et manger un fish&chips au Dunvegan, le pub où les champions se retrouvent le soir lors du British Open ou du Dunhill Links Championship à l’automne. Il n’y a qu’à voir les photos punaisées au mur où toutes les stars ont posé dans les bras de Sheena, la patronne qui avec Jack, son mari, a su créer une ambiance unique entre ces murs depuis une vingtaine d’années. En remontant le fairway du 18, en longeant les bow-windows de l’hôtel Rusacks, en se rapprochant du saint Graal, l’émotion est aussi forte qu’à l’aller face à un green en dévers vers la mer où le dernier putt est toujours un grand moment, quelque soit le score !
Plus de 500 parcours…
Le golf en Écosse ne se résume pas à St Andrews, loin de là ! Avec plus de 500 parcours de Glasgow à Inverness, du mur d’Hadrien aux Highlands, le choix est vaste tant en bord de mer que dans les terres où quelques références méritent aussi une escale même si, par habitude, les sites hôtes du British Open tiennent la cote. De Prestwick, un club né en 1851 et premier hôte de « The Open » en 1860, à Carnoustie, un tracé paraissant insignifiant entre la plage, une vieille usine, la ligne de chemin de fer et le Barry Burn, ce ruisseau qui serpente sur les derniers trous, là où Jean Van de Velde s’est essayé à la pêche aux moules… De Muirfield, un tracé dû à Old Tom Morris en 1891 et repris en 1928 par Harry Colt, à Turnberry reconnaissable avec son phare faisant face aux Ailsa et Arran craigs, ces rochers de granit dont naissent les pierres de curling. Tom Watson y a remporté le British Open en 1977 avant d’échouer d’un cheveu trente-deux ans plus tard. À 59 ans ! Seuls les links peuvent offrir ce genre d’émotions aux champions comme au public. L’élégant hôtel dominant l’Océan est un must sur ce site repris récemment par Trump Company. Le magnat américain de l’immobilier et de la finance s’est lancé dans la construction de parcours depuis longtemps aux États-Unis. Mais en Écosse, sa première réalisation au nord d’Aberdeen, Trump International Golf Links, a fait couler beaucoup d’encre avant que Martin Hawtree, l’architecte, ne déclare que ce parcours pour le moins spectaculaire allait monter sur le podium écossais. « Par contre, je ne sais pas quels parcours seront classés 2e et 3e… ! » Quand humour et humilité se rejoignent derrière les montagnes de dollars, cela donne un tracé exceptionnel avec des points de vue à couper le souffle face au vent de la mer.
Plus discret, Kyle Phillips a relevé le challenge de Kingsbarns, un links à sept miles au sud-est de St Andrews. Ce tracé est venu étoffer l’environnement en 2000 sur un site qui, dès 1793, accueillit la Kingsbarns Golf Society. L’architecte californien a totalement repensé un tracé qui avait disparu, rendu à la nature et aux moutons qui y paissaient en toute quiétude. Construit sur deux niveaux bordant l’eau tout en profitant des embruns, ce dessin plutôt physique n’a pas tardé à faire l’unanimité, à l’image du par 5 du 12 lové le long de la plage. Ou encore le 15, un par 3 joué au-dessus d’une crique rocheuse et considéré comme la réponse écossaise au 16 de Cypress Point en Californie. Plus haut, du côté d’Inverness, l’arrivée en 2009 du Castle Stuart Golf Links a réveillé les Highlands. Même si d’extraordinaires parcours à l’image de Royal Dornoch, Nairn ou Brora ornaient déjà les rivages du Moray Firth et du Dornoch Firth, Castle Stuart, ce terrain comparé à Pebble Beach « made in Scotland » a déjà accueilli l’Open d’Écosse à trois reprises. À peine inauguré, ce tracé avait l’air d’être là depuis toujours, la magie des techniques modernes appliquées à la tradition séculaire des links…
Entre fougères et bruyère…
Hôte de la dernière Ryder Cup, le site de Gleneagles n’a pas attendu la venue de la crème de l’élite mondiale pour connaître une certaine notoriété. Certes, la mer n’est jamais en vue depuis les collines recouvertes de fougères et de bruyère mais le cadre exceptionnel de ce site a fait dire à James Braid, architecte du Queen’s et du King’s courses : « Dieu a créé ce parcours, je l’ai simplement découvert… ». Une belle preuve d’humilité de la part d’un champion qui a tout gagné au début du XXe siècle, avec ses compères Taylor et Vardon.
Tandis que le resort accueillait les grands de ce monde au sein d’un magnifique hôtel pour jouer au golf et chasser la perdrix, les parcours s’enrichissaient d’un nouveau venu, le Monarch’s qui, avec le temps et la main de Jack Nicklaus, allait évoluer jusqu’à devenir le PGA Centenary en 1993.
Sur un style très américain, loin des habitudes écossaises, ce dessin a du mal à s’imposer même s’il est intéressant. Il n’est juste pas à sa place mais cela n’a pas empêché l’équipe européenne d’y conserver la Ryder Cup en septembre 2014 ! Les amoureux de l’Écosse trouveront beaucoup plus de plaisir à joueur les vieux parcours, plus subtils, plus courts, plus accessibles, plus ludiques…
Quelque soit votre choix, que vous ayez envie de jouer les « incontournables» ou des tracés plus tranquilles, moins onéreux, du printemps à l’automne, l’Écosse saura toujours vous accueillir avec le sourire. Et peut-être même avec une tisane tourbée à l’heure de l’apéro !
Par Claude Granveaud-Vallat