Longtemps dans l’ombre de son voisin Dubaï, Abu Dhabi a relevé la tête – question tourisme – depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, grâce à des parcours très variés, au Louvre Abu Dhabi, au Ferrari World…, l’émirat mérite mieux qu’une escale.
Par Claude Granveaud-Vallat
Abu Dhabi GC – A l’ombre du faucon
Si le pétrole a créé l’immense fortune des émirats depuis un demi siècle, les bédouins passés des tentes nomades aux rutilants 4×4 et villas luxueuses vouent toujours un immense respect à un oiseau emblématique de ces terres arides, un rapace utile à la chasse depuis la nuit des temps… Le faucon ! A tel point qu’en 1998 lorsque l’Abu Dhabi Golf Club a ouvert ses portes, les premiers visiteurs se sont plus focalisés sur l’architecture gigantesque d’un club-house stylisant cet oiseau mythique aux ailes déployées plutôt que sur le dessin de Peter Harradine qui mérite tout de même mieux qu’un entrefilet. Le coup de « comm » était pourtant réussi, les touristes venaient voir l’oiseau, il a fallu attendre qu’un tournoi du Tour européen prenne forme sur ces fairways pour que l’intérêt accordé à ce club passe de ses murs à ses greens.
Les parcours voisins de Dubaï faisaient référence en ce temps pas si lointain, l’architecte britannique en a tenu compte en dessinant un tracé s’insérant au mieux en plein désert. L’idée d’oasis a dominé dans son travail, utilisant le sable pour les roughs, plantant de nombreux palmiers, creusant de belles pièces d’eau bordées d’opulents greens créant un contraste de couleurs harmonieux. Si les champions venant disputer l’Abu Dhabi Championship depuis 2006 mettent à mal le par idéal chaque hiver, les 90 bunkers et les 7 plans d’eau répartis sur plus de 150 hectares compliquent la vie des amateurs… Des fairways étroits aux zones de chute de drive, des greens aussi rapides qu’immenses, des rafales de vent et la chaleur même en hiver, autant de handicaps à rendre une belle carte pour la plupart des visiteurs.
En plus de vingt ans, les arbres ont poussé, les palmiers ont pris du volume. Les contrastes de tonte entre le fairway et le petit rough tracent la voie, l’enchaînement du 3 au 7 mérite un peu d’humilité, la pièce d’eau venant lécher les greens est gourmande… Tout comme du 16 au 18, un par 5 revenant parallèle au 9 vers l’oiseau de proie ! Mais la qualité des gazons, l’exotisme des lieux, la démesure de ce fameux club-house où tout paraît petit sous cette structure de béton rehaussée de baies vitrées teintées – filtrant les UV – créent une alchimie, quelque chose d’étonnant, d’inoubliable, dépassant l’envergure de l’oiseau. Une démesure à taille humaine… !
Abu Dhabi Golf Club
PO Box 51234 Abu Dhabi
Tél. : +971 28 85 35 55.
www.troonabudhabi.com
18 T, par 72, 6214 m.
Architecte : Peter Harradine (1998).
Yas Links – Le chardon de l’émir
Misant à fond sur le développement touristique, anticipant la dernière goutte de pétrole…, les émiratis n’ont pas molli en créant le Yas Links sur l’île éponyme en 2010, à une vingtaine de kilomètres du cœur de ville. Ils y ont mis les moyens, 75 milliards de dollars pour l’ensemble du projet insulaire incluant le circuit de F1, la marina où les yachts rivalisent d’élégance, le Ferrari World Abu Dhabi sous un toit rouge orné du cheval cabré…
En faisant appel à l’Américain Kyle Phillips pour le golf, ils souhaitaient voir naître un bout d’Écosse sur leur terre aride. Une gageure, une supercherie, un tour de magie à la David Copperfield, les critiques allaient bon train tandis que le Californien hermétique aux bruits de la rue – au moins ceux du circuit automobile voisin – continuait son œuvre, imperturbable durant trois ans de travail, le long de la baie.
En faisant abstraction du soleil et de la chaleur, on se croirait à Kingsbarns, le parcours écossais de Phillips aux portes de Saint Andrews. Tout y est réuni, la panoplie est complète, des touffes de graminées plantées une à une par des petites mains, les bunkers faussement déchiquetés bordant le littoral, les roughs épais intégrant un système d’irrigation à l’eau salée – une technologie de pointe -, les greens dignes du Old Course, les fairways ondulés, quelques dunes à l’herbe jaunie, il ne manque plus qu’un « piper » jouant de la cornemuse au coucher du soleil ! Huit trous longent la mer de bout en bout, avec quelques risques de voir sa balle y finir sa vie. Du 16 au 18, le final est époustouflant, ne laissant que peu de place à l’improvisation. En légère déclivité, le par 3 du 8 est le plus abouti, bordé d’eau sur tout le flanc droit. Attention au slice tandis que les points de vue en arrière plan sur le club-house d’inspiration arabo-andalouse – la table de l’Hickory’s Restaurant y est remarquable – et les tentes bédouines bordant le circuit de F1 nous ramènent au gigantisme de cet hymne aux links d’antan…
Yas Links
Yas Island
Abu Dhabi
Tél. : +971 24 04 30 00
www.troonabudhabi.com
18 T, par 72, 6435 m.
Architecte : Kyle Phillips (2010).
Saadiyat Beach Golf Club – Giant !
Inauguré en même temps que le Yas Links, le Saadiyat Beach Golf Club a lui aussi pris le nom de son île hôte. Mais la ressemblance s’arrête là. Gary Player a eu carte blanche pour harmoniser ses 18 trous au plus près de la mer, créant ainsi le premier club réellement au bord du golfe Persique. Pas forcément connu pour sa modestie, le champion sud-africain considère ce parcours parmi ses cinq plus belles réalisations à travers le monde. Avec plus de 300 golfs à son actif, la comparaison parle d’elle-même. D’ailleurs, fier de son travail, il a souhaité laisser sa trace au-delà d’un nom sur une carte de scores – éditée en version arabe pour les locaux. Il a posé l’empreinte de sa main droite sur le béton du chemin du 18 remontant vers le club-house, comme un clin d’œil facétieux à Hollywood Boulevard pour l’homme aux neuf titres majeurs.
Mais la patte du champion se manifeste surtout dans l’esprit inoculé à son tracé. Il a su jouer avec les éléments, offrant de belles vues sur la mer, laissant beaucoup de zones ensablées en bordure des gazons, creusant de beaux lacs, plantant 1200 palmiers qui ont habillé le décor initial assez lunaire, dessinant des bunkers géants – à la limite de l’overdose même si ceux bordant les fairways sont assez durs pour être joués aisément – et des greens tout aussi grands et très modelés. Une conception gigantesque adaptée à la région où la surenchère est permanente. Tout comme Yas Links et Abu Dhabi GC, Saadiyat Beach est géré par Troon Golf, une entreprise d’Arizona maître en la matière, qui lui offre un entretien irréprochable, on dormirait sur les fairways… Classé réserve naturelle, le site d’aspect sauvage au-delà des fairways manucurés accueille de jolies gazelles peu farouches, habituées à voir passer de drôles d’énergumènes au volant de voiturettes, tapant de-ci de-là dans de petits cailloux blancs !
Les trous au plus près de la mer ont un cachet particulier, cette alchimie mélangeant le vert au bleu dans des nuances aquarellées… Trou signature du parcours, le long par 4 du 16 (hcp 1) s’achève sur un green léché par les vagues furieuses des jours ventés. La mer de sable longeant le fairway ajoute sa touche à la dramaturgie de ce décor où le par est souvent une vue de l’esprit… Le petit par 3 suivant bordant la plage, joué par vent de travers, est tout aussi surprenant et dangereux malgré un petit club en mains. La remontée du 18 vers un club-house imaginé par le Canadien Frank Gehry, architecte du musée Guggenheim voisin, apporte une ultime touche de gigantisme, dans un style assez baroque. De quoi garder un souvenir impérissable de ce séjour golf au bord du Golfe !
Saadiyat Beach Golf Club
Sheikh Khalifa Highway
Saadiyat Island
Abu Dhabi
Tél. : +971 24 99 81 00.
www.troonabudhabi.com
18 T, par 72, 6642 m.
Architecte : Gary Player (2010).