Étonnante Chypre, une île coupée en deux par une ligne verte isolant au nord la partie occupée par l’armée turque, du sud grec. Une île où l’on roule à gauche – à l’anglaise –, où l’on paie en euros, où l’on calcule en kilomètres et l’on mesure en yards. Terre de paradoxes depuis plus de dix mille ans au cœur de la Méditerranée. Gorgée de soleil, la terre rocailleuse ne se laisse pas dompter facilement, peut-être une des raisons du frein mis au développement du golf qui prévoyait une quinzaine de parcours avant 2020. Seuls quatre clubs sont ouverts, méritant la visite avec leurs balcons sur la mer.
Par Claude Granveaud-Vallat
Aphrodite Hills, aussi beau que spectaculaire

Le tracé offre des descentes abruptes vers des trous accrochés à flanc de montagne comme sur le par 3 du 7 – la signature du tracé
En créant Aphrodite Hills en 2002, Cabell Robinson devait relever un défi face à la légende,la déesse de la beauté et de l’amour serait née là sur ces terres sèches… Un énorme rocher de granit blanc, étoc battu par les vagues en contrebas du parcours, témoigne de l’apparition mythologique ! L’Américain a réussi à semer la verdure, à créer un parcours manucuré à fort pouvoir de séduction avec des fairways bordés d’oliviers et de caroubiers, un arbre dont la graine pesant toujours le même poids a servi de mesure depuis l’Antiquité. Elle a donné naissance au fameux carat des joailliers…

Un green suspendu entre ciel et Méditerranée
Sur les 250 hectares d’un domaine bordant les flots bleus, la voiturette est indispensable sur un tracé serpentant entre les canyons, changeant de plateaux… Pas moins de deux kilomètres entre le green du 2 et le départ suivant, un chemin avançant dans la montagne au milieu des perdrix sauvages toujours effarouchées par les voiturettes. Le tracé offre des descentes abruptes vers des trous accrochés à flanc de montagne comme sur le par 3 du 7 – la signature du tracé – avant de remonter la pente au trou suivant vers un green suspendu entre ciel et Méditerranée. Une carte postale reprise par toute l’île pour assurer la promotion du golf et le développement touristique à travers l’Europe.

Un club-house aussi moderne que luxueux
Une fois la partie terminée, le retour étant un peu plus calme mais tout aussi difficile, il est temps de se poser dans un club-house aussi moderne que luxueux le temps d’un rafraîchissement ou d’un massage dispensé avec le sourire par des mains de fée… Ainsi va Aphrodite Hills dans l’esthétique, dans la séduction, dans la rêverie au cas où la beauté faite femme reviendrait sur ses terres génitrices !
Minthis Hills, en souvenir de Stravros…

Sur le 13, le green en île, une construction bien façonnée avec un joli mur de pierres blanches
Plus ancien parcours de l’île, né en 1994, Minthis Hills s’est récemment refait une beauté. Le tracé original de Donald Steel a été revu par Tom Mackenzie et Martin Ebert mais sur les hauteurs de Paphos, les vieilles pierres du monastère du XIIe siècle – aujourd’hui habité par un moine solitaire – sont toujours là pour rendre hommage à Stravros Minthis, un religieux du Moyen Âge venu évangéliser ces terres hostiles à l’agriculture.
Sur les contreforts du mont Troodos, entre les oliviers, les amandiers, les cyprès et les vignes gorgées de soleil, ce tracé aussi physique que rustique profite d’une relative fraîcheur due à son altitude. L’été, c’est très appréciable, les touristes n’ont pas tardé à s’en rendre compte.

En fin d’après-midi, le parcours prend ses meilleurs atours tandis que le soleil étire les ombres des arbres
La carte peut se jouer sur les premiers trous du retour là où les mises en jeu se doivent d’être précises, chirurgicales ! Comme au 12 où la pente ramène la balle vers le ravin au plus loin du départ. Sur le 13, le green en île, une construction bien façonnée avec un joli mur de pierres blanches, requiert un peu de réflexion avant de sortir l’artillerie lourde. En fin d’après-midi, le parcours prend ses meilleurs atours tandis que le soleil étire les ombres des arbres de mieux en mieux intégrés à ce décor mêlant le minéral au végétal. Là encore, le cadre du club-house où on se laisse volontiers tomber dans les moelleux fauteuils de cuir, est pour le moins régénérateur !
Secret Valley, si bien nommé…
Dans un décor digne d’un western spaghetti, Secret Valley GC – voisin d’Aphrodite Hills – étire ses fairways au fond d’un canyon de roche ocre, rougeoyante au soleil couchant. Attribué à Iacovos Iacovou, un architecte chypriote soutenu dans son œuvre par Donald Steel, ce tracé planté d’eucalyptus, de palmiers, de pins, et tapissé de massifs de bougainvilliers et d’hibiscus alternant avec quelques cactus attirant les balles tels des aimants, est très agréable à jouer.

Ce golf étire ses fairways au fond d’un canyon de roche ocre, rougeoyante au soleil couchant
Les petits greens compensent une relative longueur tandis que le rythme s’accélère sur les trous du retour. Les dévers s’enchaînent, obligeant à compenser sur les mises en jeu… Pas toujours facile ! Encaissé, le dessin n’est toutefois pas étouffant même si la chaleur estivale incite à jouer en voiturette. En 2013, le champion anglais Tony Jacklin a apporté sa touche au tracé, corrigeant ça et là quelques erreurs, rendant le jeu plus fluide, plus ludique comme à l’approche du 14 qui revient vers la mer.
Depuis janvier 2017, la gestion du terrain a été confiée à Troon International, une compagnie basée en Arizona en charge du développement de centaines de golfs dans le monde. Discret, le club-house ne manque pas de charme, surtout depuis sa terrasse ombragée où il fait bon se poser le temps d’un verre d’ouzo ou d’un thé à la menthe accompagné de pâtisseries au miel, en écoutant le bruit de la mer à l’horizon.
Eléa Golf Club, le défi du champion

Des petits murets de pierre sèche bordent de nombreux fairways comme les pièces d’eau
Dernier né des clubs chypriotes, Eléa Estate a vocation immobilière comme son nom le sous entend. Construit en pente douce vers la mer, ce tracé signé Nick Faldo date de 2010. Serpentant entre les centaines d’oliviers et de caroubiers aussi trapus que noueux, les fairways respirent la quiétude des lieux, surtout depuis que l’usine électrique jouxtant le parcours s’est cachée derrière les haies arborées, plantées à cet effet.
Après un aller en douceur pour peu que le vent du large ne soit pas de la fête, le parcours se muscle à l’attaque du retour. Des petits murets de pierre sèche bordent de nombreux fairways comme les pièces d’eau, freinant les balles suite à un top ou un coup trop long.

Serpentant entre les centaines d’oliviers et de caroubiers aussi trapus que noueux, les fairways respirent la quiétude des lieux
Fidèle à ses légendaires bunkers, l’Anglais n’a pas molli sur le sable, des obstacles faciles à entretenir lorsque l’eau se fait rare et chère… Sur l’approche du 16, les grosses pierres bordant le green délimitent bien la verdure face à l’eau, difficile de dire qu’on ne l’avait pas vue… même si de nombreuses balles y ont fini leur course depuis plus de sept ans.
Avec un entretien remarquable, Eléa a fait une entrée remarquée dans le petit monde du golf chypriote d’autant que depuis la terrasse du club-house construit sur les hauteurs du domaine, l’intégralité du parcours est en vue tout comme la Grande Bleue à perte de vue.
Aphrodite Hills GC / Chypre
www.aphroditehills.com
18T, par 71, 5264 m.
Architecte : Cabell Robinson (2002)
Secret Valley GC / Chypre
www.cyprusgolf.com
18T, par 71, 5989 m.
Architectes : Iacovos Iacovou & Donald Steel (1996), Tony Jacklin (2013)
Minthis Hills GC / Chypre
www.cyprusgolf.com
18T, par 71, 5828 m.
Architecte : Donald Steel (1994)
Eléa GC / Chypre
www.eleaestate.com
18T, par 71, 5772 m.
Architecte : Faldo Design (2010)