A 50 ans et 11 mois, Phil Mickelson remporte l’USPGA Championship, devenant le seul « quinqua » vainqueur d’un Majeur, une première dans l’Histoire du golf. A Kiawah Island, le gaucher a su maîtriser ses nerfs, les roughs et les greens de Caroline du Sud pour l’emporter devant Brooks Koepka et Louis Oosthuizen, eux aussi déjà titrés en Majeur. Pour Victor Pérez et Antoine Rozner, la fête s’était arrêtée le vendredi soir, à un coup du cut… Dommage !
Par Claude Granveaud-Vallat
L’an dernier, Phil Mickelson commentait le tournoi, en compagnie de Sir Nick Faldo, pour la télé. A quelques semaines de passer senior, ses performances ne lui avaient pas permis de se qualifier pour disputer l‘USPGA Championship… Depuis, le Californien a rejoint le Champions Tour, s’y imposant par deux fois, perdant du poids en retrouvant sa joie de jouer grâce à la méditation. Mais en débarquant à Kiawah Island, le long de la côte Atlantique, qui aurait parié qu’il allait triompher sur ce parcours venté et détrôner Julius Boros – vainqueur de l’USPGA Champ’ 1968 à 48 ans – de ce record d’ancienneté ? Pas grand monde, à commencer par lui-même !
Question « anciens », personne n’a oublié l’immense Jack Nicklaus accompagnant sa balle du regard et du bras gauche vers un birdie sur le 17 d’Augusta, au printemps 1986, vers une victoire au Masters, vers un 18e titre majeur glané à 46 ans. Pas plus que la prestation héroïque de Tom Watson en 2009 au British Open, sur les links écossais de Turnberry. Là, à 59 ans, « Gentle Tom » est passé tout près d’un exploit stratosphérique, on en aurait parlé dans toute la galaxie ! Mais sur un dernier putt, son bras a tremblé, comme rattrapé par l’émotion, lui qui avait pourtant déjà soulevé cinq fois la fameuse Claret Jug… Ces dernières années, suite aux soucis de Tiger Woods, une nouvelle génération de jeunes champions a pris le pouvoir mais personne n’est parvenu à s’imposer au plus haut niveau tant par son talent que par son charisme même si Dustin Johnson semble apprécier le confort du fauteuil de N°1 mondial.

Cette victoire de Mickelson acquise de main de maître rebat les cartes. Elle offre à des milliers d’Américains et de fans de golf dans le monde entier une raison de se reconnaître dans leur héros même si le garçon utilise un driver ouvert à 5,5° et envoie des missiles régulièrement à plus de 300 yards. Tout le monde n’a pas cette prétention… Mais derrière son pantalon beige, son polo bleu marine, ses lunettes fumées, sa tenue d’apparat dominicale, les joueurs se reconnaissent dans son attitude, dans son approche du jeu, dans son feeling sur les greens. Pas d’esbroufe, pas de repas survitaminés, pas de déclarations intempestives, un « bon » père de famille comme l’Amérique les aime !
Mais avant d’en arriver à ces considérations, Phil Mickelson a dû construire sa victoire sur l’Ocean Course de Kiawah Island – le plus long parcours (7202 mètres) pour ce championnat -, la houle de l’Atlantique grondant à portée de wedge des fairways imaginés par Pete Dye pour accueillir la Ryder Cup 1991, là où les « yips » de Bernhard Langer avaient eu raison de la victoire européenne… Lefty a enclenché le turbo dès les trous du retour, le jeudi. De là, il allait enchaîner dix birdies à cheval sur deux tours, sans concéder le moindre bogey. Un véritable exploit sur ce parcours qui, s’il ne prétend pas au titre de links, s’avère tout de même aéré à l’année. Le samedi, il signait à nouveau cinq birdies sur l’aller, les trous les moins compliqués face à la météo de la semaine. Dans le même temps, ses adversaires connaissaient des parcours erratiques, les balles fuyant les fairways vers les roughs, glissant sur les greens, rendant fous les joueurs les plus calmes.
Dimanche, jouant en compagnie de Brooks Koepka – vainqueur de ce tournoi en 2018 et 2019 -, Phil Mickelson attaquait sa quête du Graal en dernière partie. Sur l’aller, il enchaînait bogeys, birdies et pars à parts égales jusqu’au 9, voyant souvent ses balles finir leur course dans les graminées. Le tracé faisait mieux que se défendre, seuls 16 joueurs finiront sous le par sur la semaine. Koepka, opéré du genou il y a deux mois, connaissait lui aussi des moments difficiles, surtout sur les pars 5 là où sa puissance aurait dû l’avantager. Un trou devant, Louis Oosthuizen parvenait à mieux gérer ce dessin compliqué, restant dans sa bulle, respectant sa routine comme lorsqu’il avait remporté le British Open 2010 à Saint Andrews. Mais les birdies restaient rares sur la carte du Sud-Africain qui, une nouvelle fois, allait se contenter d’une 2e place. Bientôt senior, l’Irlandais Padraig Harrington a lui aussi su gérer ce tracé. Du haut de ses 49 ans, il allait partager la 4e place avec son compatriote Shane Lowry, l’Anglais Paul Casey et l’Américain Hugh Higgs, tout surpris de sa présence ici.

Jusqu’au dernier trou, Mickelson a su rester placide, à son image même si ça bouillonnait sous le capot ! Après son drive phénoménal sur le 16 (environ 335 mètres, une dizaine de mètres devant DeChambeau) et un birdie sur ce par 5, il lâchait son dernier drive sur le flanc gauche du 18 – à l’opposé du danger – près d’une foule hystérique, en liesse, folle d’approcher son champion. De là, au prix d’un coup de fer 9 de 160 mètres, arrachant le gazon sur 30 centimètres, sa balle trouvait le green et la délivrance. Un bonheur partagé avec Tim Mickelson, son frère préposé au sac durant la semaine. Huit ans que Phil n’avait plus inscrit son nom sur un palmarès majeur (The Open 2013), de quoi avoir l’air radieux en soulevant le Wanamaker Trophy pour la deuxième fois, seize ans après sa victoire à Baltusrol.
Deux Français étaient au départ jeudi matin de ce 103e USPGA Championship, Victor Pérez et Antoine Rozner. Dès le jeudi soir, leurs espoirs semblaient envolés. Quelques trous catastrophe avaient eu raison de leurs bonnes intentions. De meilleures cartes le lendemain ne pouvaient rattraper le retard, ils échouaient tous les deux à un coup du cut. Regrettable mais pas rédhibitoire quant à leur avenir au plus haut niveau, ils seront au départ de l’US Open à la mi juin à Torrey Pines, en Californie. Souhaitons leur une meilleure issue.
Il y a quelques semaines, Phil Mickelson avait fini par accepter une invitation de l’USGA pour disputer l’US Open en Californie, sur le parcours qui l’a vu naître golfiquement. Pour lui qui soufflera 51 bougies le 16 juin prochain – la veille du 1er tour de l’US Open -, cette invitation n’est plus d’actualité puisque son nouveau classement mondial lui ouvre naturellement les portes de son open national, celui qui semble avoir le plus d’intérêt à ses yeux… Normal, il manque à son palmarès, il y a échoué à six reprises à la deuxième place. Même s’il connaît les moindres recoins du parcours par cœur, une victoire à Torrey Pines relèverait du miracle, une pression supplémentaire qui risque d’être compliquée à gérer, même derrière ses lunettes noires !
USPGA Champ’ 2021, Kiawah Island Ocean course, par 72
1 | Mickelson P. | USA | 70+69+70+73=282 | -6 |
2 | Koepka B. | USA | 69+71+70+74=284 | -4 |
3 | Oosthuizen L. | SAf | 71+68+72+73=284 | -4 |
4 | Casey P. | Eng | 71+71+73+71=286 | -2 |
| Harrington P. | Irl | 71+73+73+69=286 | -2 |
| Lowry S. | Irl | 73+71+73+69=286 | -2 |
| Higgs H. | USA | 72+71+73+70=286 | -2 |
83 | Pérez | Fra | 78+72=150 | MC |
83 | Rozner | Fra | 79+71=150 | MC |