Pour la 150e édition du The Open, sur le fameux Old Course de Saint Andrews – « The Home of Golf » -, on pouvait s’attendre à voir un immense champion… Au terme de quatre jours palpitants, l’Australien Cameron Smith soulève la Claret Jug, un premier Majeur amplement méritée grâce à un jeu solide et un putting de feu.
Par Claude Granveaud-Vallat, photos DR.
Après les années de crise sanitaire, The Open revenait à Saint Andrews pour fêter sa 150e édition. Tout commençait par une photo de famille devant le temple du Royal & Ancient. Tous les anciens vainqueurs ou presque, Greg Norman n’avait pas été invité et Phil Mickelson, solidaire de son nouveau « patron », avait décliné l’invitation – le conflit opposant les circuits américain et européen au LIV Tour saoudien n’était pas d’actualité en Écosse -, posaient fièrement face à un soleil couchant. Nicklaus, Woods, Watson, Faldo, Els, Harrington, Trevino… la liste serait longue, tous affichaient un sourire radieux, y compris Sandy Lyle en kilt – le régional de l’étape – et John Daly en veste rouge au cas où sa barbe de Santa Klaus n’aurait pas suffi à le reconnaître. Un dîner dans le saint des saints concluait cette entrée en matière des plus réussies. Le sommelier n’a pas dévoilé ses secrets…
Tiger Woods
Jeudi matin, alors que le soleil tardait à réchauffer la lande, Tiger Woods – déjà double vainqueur sur le Old Course en 2000 et 2005 – focalisait les regards d’un public dense. Un double bogey dès le 1 avec une balle dans le burn augurait mal de l’avenir, la journée allait être longue avec un 78 à la clé. Même si la jambe tenait bon, le jeu n’y était pas, quelques erreurs lui coûtaient cher. Vendredi soir, n’ayant pu rattraper son retard, il saluait la foule toujours aussi nombreuse en passant sur le Swilcan bridge. L’émotion était palpable, ses yeux mouillés en témoignaient. La casquette à la main, il remerciait le public en marchant jusqu’au green du 18, avant de déclarer « ne pas être sûr de rejouer The Open sur ce parcours ». Le tournoi ne reviendra pas à Saint Andrews avant 2027, ce qui lui ferait 51 ans, c’est loin, très loin… Samedi soir, à nouveau au cours d’un dîner officiel, Tiger était intronisé au « Hall of Fame » du R&A pour l’ensemble de son œuvre sur un peu plus d’un quart de siècle, un honneur mérité qui sent la retraite… !
Vendredi soir, quatre hommes se détachaient, l’Australien Cameron Smith, l’Américain Cameron Young, le Nord-Irlandais Rory McIlroy – favori du public comme des bookmakers – et le Norvégien Viktor Hovland. Samedi soir, on retrouvait les mêmes, seul l’ordre avait changé. McIlroy et Hovland avaient fait le break, affichant quatre coups d’avance sur les « Cameron ». Dans ce carré d’as, Rory faisait figure de favori au vu de son palmarès, les trois autres étant encore vierges en Majeur. Mais les statistiques atteignent vite leurs limites face à un parcours toujours aussi surprenant, entre ses bunkers invisibles, ses immenses double greens, ses fairways qui roulent sans cesse à cette saison et un vent qui n’en fait qu’à sa tête, au gré des marées.
McIlroy et Hovland
Dimanche, sur les trous de l’aller, rien ne changeait radicalement. Rory voyait ses balles glisser à l’approche des trous mais pas de quoi perdre confiance tandis que son partenaire norvégien n’était pas à son meilleur. A l’entame du retour, les mouches changeaient d’âne. Cameron Smith entamait sa « remontada », enquillant cinq birdies d’affilée du 10 au 14. La chance lui souriait, il savait la provoquer en plantant les drapeaux, son putter faisait le reste comme téléguidé par une force venue d’ailleurs. Une réussite qui fuyait la partie de tête, Rory rasait les trous là où l’Australien voyait ses balles tomber allègrement.
Cameron Smith – Rory Mcllroy
Un ultime birdie sur le 18 permettait à Smith de porter son score à « -20 », un record sur le Old Course là où Tiger avait signé « -19 » en 2000. Dans le même temps, Cameron Young drivait le green du 18 avant d’enquiller cinq mètres pour eagle et porter son score à « -19 ». De quoi doubler McIlroy dans la dernière ligne droite, rageant pour le Nord-Irlandais qui devait se contenter d’un accessit sur le podium, sans avoir concédé le moindre bogey…
Cameron Young
Mais c’est sans doute sur le 17 que Smith a gagné The Open. Son chip au-dessus du bunker lui laissait un putt de trois bons mètres pour le par, sans sourciller, plein trou, il a fait tomber la balle. A ce moment de la partie, il fallait avoir confiance en soi pour attaquer ainsi, ça lui a souri ! « La différence entre samedi et aujourd’hui, les putts sont tombés. » La conclusion pragmatique de Smith pourrait être reprise par McIlroy, mais dans l’autre sens…
Troisième du Masters en avril, vainqueur du Players en Floride dans la foulée, Cameron Smith n’est pas une surprise à ce niveau de performance mais décrocher une première victoire majeure demeure exceptionnel. « It’s unreal… » Pas la peine de traduire les premiers mots de l’Australien en soulevant ce trophée gravé de tant de noms prestigieux. Le dernier Australien a l’avoir soulevé, un certain Greg Norman en 1993 au Royal St Georges. A défaut d’être présent à Saint Andrews cette semaine, le nouveau patron du LIV Tour pourra toujours se réjouir de la victoire de son jeune compatriote – 29 ans en août pour Cameron Smith -, en espérant qu’il ne le débauche pas au son des sirènes saoudiennes…

Seul Français engagé cette année, Victor Pérez a rompu le signe indien, lui qui avait raté le cut sur ses cinq précédents Majeurs. Avec quatre cartes sous le par, il termine à la 34e place, loin des leaders mais depuis sa victoire en Hollande et l’arrivée de James Erkenbeck sur le sac, il semble que les choses s’enchaînent mieux pour le Tarbais qui jouait presque à domicile cette semaine – il vit à Dundee à un quart d’heure de St Andrews. Victor qui avait remporté le Dunhill Championship sur ce même parcours en 2019, a vu la différence de préparation du terrain. « Rien à voir, juillet n’est pas octobre mais j’ai jamais vu les fairways du Old Course aussi durs, c’est incroyable comme ça roulait. » Cette semaine, Victor jouait avec des lunettes. Suite à un ulcère sur l’œil droit, il ne peut plus porter ses lentilles. Il va faire un break d’un mois pour se soigner et revenir plus fort pour une fin de saison qui s’annonce passionnante des deux côtés de l’Atlantique.
The Open 2022, Old Course St Andrews, par 72
1 | Smith C. | Aus | 67+64+73+64=268 | -20 |
2 | Young C | USA | 64+69+71+65=269 | -19 |
3 | McIlroy R. | NIr | 66+68+66+70=270 | -18 |
4 | Hovland V. | Nor | 68+66+66+74=274 | -14 |
| Fleetwood T. | Eng | 72+69+66+67=274 | -14 |
6 | Harman B. | USA | 73+68+68+66=275 | -13 |
| Johnson D. | USA | 68+67+71+69=275 | -13 |
8 | Cantlay P | USA | 70+67+71+68=276 | -12 |
| DeChambeau | USA | 69+74+67+66=276 | -12 |
| Spieth J. | USA | 71+69+68+68=276 | -12 |
34 | Pérez V. | Fra | 71+69+71+70=281 | -7 |