Il y a 5 ans, Severiano Ballesteros nous quittait, des suites d’une tumeur au cerveau. Jusqu’au dernier moment, le samedi 7 mai 2011, il s’est battu avec la même détermination que sur tous les parcours du monde. Personne ne l’a oublié, ni l’homme, ni le champion, ni son extraordinaire palmarès…
Par Claude Granveaud-Vallat.
La planète Golf ne manque pas de bons joueurs mais des champions, Saint Andrews n’en invente pas tous les matins. Des joueurs qui allient le talent au charisme, qui transcendent les foules, font chanceler les femmes, sont capables de coups impensables, des joueurs qui débordent de partout ! Severiano Ballesteros était de ceux-là. Malade, il fallait le voir s’entraîner chez lui à Pedreña, en Cantabrie. Peut-être encore le seul à croire à son retour… L’abnégation portée à son paroxysme !
Là, sur le sable de l’Atlantique, Severiano n’a pas tardé à s’impatienter face à l’Océan. Passé pro en 1974, à 17 ans, il intègre dans la foulée le circuit européen. En 1976, face à Johnny Miller, c’est la révélation sur les links du Royal Birkdale lors du British Open. Balbutiant trois mots d’anglais, il est en tête durant trois jours face à l’Américain avant de partager la deuxième place avec un certain Jack Nicklaus. Trois ans plus tard, il soulèvera l’aiguière d’argent face au monde au Royal Lytham & St Annes, pour le premier de ses cinq titres majeurs. En 1980, c’est à Augusta qu’il défraye la chronique en devenant le premier Européen vainqueur du Masters. Au cours des années 80, les victoires s’enchaînent à tour de bras. En France, il s’impose à douze reprises et presque partout. Autour de Paris où se joue le Trophée Lancôme et souvent l’Open de France mais aussi au Touquet, à Cannes, à Monte-Carlo, à Biarritz. De quoi se mettre tous les golfeurs français dans la poche !

Jul 1988: Seve Ballesteros during the British Open
Au-delà d’un palmarès flamboyant, orné de 87 victoires officielles glanées à travers le monde, ce sont des coups de golf prodigieux qui nous restent en mémoire. Comme ce coup de fer tapé depuis le parking du Royal Lytham lors du British 79, ce recovery à Saint-Nom-La-Bretèche où après avoir lâché son drive sous les arbres du 17, il mit un coup de bois 4 à genoux sous les branches pour prendre le green et signer un birdie. Ou encore, ce coup de wedge distillé à Crans-sur-Sierre lors de l’European Masters 1993. Entre les arbres et un muret, il a trouvé un trou de souris vers le green du 18 du parcours valaisan… pour un birdie enchanteur. Son génie inventait des coups comme au Belfry où sur le 10, un par 4 avec un green bordé d’eau, il osa lors de la Hennessy Cup 1978 attaquer le green directement. Son meilleur « ennemi », l’Allemand Bernhard Langer, avec qui il partagea la victoire au Trophée Lancôme 1986, demeure impressionné par un coup de génie de l’Espagnol. « Lors de la Ryder Cup 1983 au PGA National, en Floride, j’avais terminé mon match et suivais sa partie décisive face à Fuzzy Zoeller. Sur le 18, Seve avait drivé dans un bunker de fairway sur ce par 5. Moi, j’aurais mis un coup de fer 7 pour avancer. Lui a tapé un coup de bois 3 pour prendre le green en draw au-dessus de l’eau, faire un birdie et partager son match. C’est le coup le plus incroyable que j’ai jamais vu de ma vie. C’était un magicien et un gentleman. En 1985 au Masters, on jouait ensemble le dimanche. En remontant le 17, il m’a pris par l’épaule en me disant : « Celui-là, il est à toi, bravo ».
Severiano Ballesteros a permis au golf européen de se développer, à relever la tête après la domination américaine des années 70-80. Si le continent européen a intégré la Ryder Cup, c’est grâce à lui. Ses exploits en compagnie de José Maria Olazábal, face à des Payne Stewart ou Paul Azinger, sont autant de faits d’armes inoubliables. Sans parler de sa victoire en 1997 à Valderrama en tant que capitaine, lorsqu’il réveillait Miguel-Angel Jimènez, son vice-capitaine, à trois heures du matin pour refaire les foursome… Mais en soulevant la coupe sous la pluie andalouse, cela valait bien la peine !
Aujourd’hui, son fils Javier, amateur âgé de 24 ans, entretient le mythe en s’habillant et en se coiffant comme son père sur les quelques tournois où il est invité. Mais le niveau, l’envie, le talent, le charisme ne sont pas du même registre. Aucune importance, nous ne sommes pas prêts d’oublier qu’il nous a fait rêver durant près de trente ans même si on a du mal à admettre qu’il soit parti si tôt !