En remportant le Masters, Hideki Matsuyama a ému tout un pays. Jamais avant lui un Japonais n’avait gagné un tournoi majeur… Loin d’être un inconnu, il y a mis la manière tandis que bon nombre de favoris avaient craqué sur un parcours d’Augusta toujours aussi beau. Côté français, seul invité, Victor Perez a, lui aussi, souffert avant de s’éclipser le vendredi soir.
Par Claude Granveaud-Vallat, photos DR.
En 2011, Hideki Matsuyama soulevait la Silver Cup, récompensant le meilleur amateur au Masters. Dix ans plus tard, à 29 ans, le Japonais s’est aguerri, il a plus du volume tant physiquement que dans son jeu, il a aussi gagné en confiance, un trait de caractère qui lui a sans doute permis de rester serein jusqu’au dernier putt même si, sous pression, il a lâché quelques coups sur les derniers trous de l’Augusta National. Peu importe, sur le green du 18, il pouvait étreindre Shota Hayafuji, son caddie.

Les deux hommes ne faisant qu’un sont allés au bout, sans faillir. C’est lors du 3e tour qu’Hideki a construit sa victoire, en signant une carte de 65 vierge de tout bogey, une performance exceptionnelle sur les greens géorgiens. Dimanche, après que Xander Schauffele, son partenaire, se soit pris les pieds dans le tapis du 16 – triple bogey avec une balle dans l’eau -, laissant la 2e place au seul Will Zalatoris, un garçon de 24 ans qui jouait là son premier Masters – on devrait vite entendre parler de lui au plus haut niveau -, Hideki pouvait enfin esquisser un sourire. Depuis sa retraite convalescente chez lui en Floride, Tiger Woods allait même envoyer un message au néo vainqueur, le félicitant bien sûr, ajoutant que le Japon pouvait être fier de lui, un propos éloquent dans la bouche du Tigre. Hideki avouait en salle de presse que les performances de Woods l’avaient inspiré dans sa jeunesse. Pas le seul à avoir pris goût au golf en regardant swinguer l’ex numéro un mondial !

Avant lui, ils ont été nombreux, les hommes du Pays du Soleil levant, à tenter leur chance à Augusta. Pas moins de 31 Nippons… A commencer par le plus emblématique d’entre eux, Jumbo Ozaki – aujourd’hui âgé de 74 ans et demi-Dieu sur son île – suivi par Isao Aoki, une autre légende vivante. Plus récemment, on se souvient de Maruyama, Katayama, Ishikawa, des joueurs ayant surtout évolué sur le Japan PGA Tour, ne quittant leur pays que pour disputer les Majeurs, ou presque. Il a fallu attendre 1961 pour voir un non-Américain s’imposer à Augusta avec la victoire du Sud-Africain Gary Player, 1980 pour qu’un Européen enfile la veste verte avec Severiano Ballesteros avant que les Lyle, Faldo, Woosnam, Langer, Olazabal... ne lui emboîtent le pas. En 2009, l’Amérique du Sud était à l’honneur avec la victoire de l’Argentin Angel Cabrera. Quatre ans plus tard, c’était enfin au tour de l’Australie de briller grâce à Adam Scott, les efforts de Greg Norman étant toujours restés vains. Aujourd’hui, l’Asie est enfin à l’honneur. A quelques mois des Jeux de Tokyo où le golf tentera de pérenniser sa présence olympique, cette victoire d’Hideki Matsuyama va s’avérer un atout essentiel dans le camp japonais. On parle même de lui pour allumer la flamme lors de la cérémonie d’inauguration, honneur suprême !

Les fans japonais n’ont pas attendu pour fêter cette victoire, leur victoire. Malgré le décalage horaire, le dernier putt au milieu de la nuit tokyoïte, les club-houses et les sport-bars sont restés ouverts jusqu’au petit jour dans un pays où plus de dix millions de golfeurs tapent la balle, de jour comme de nuit, au cœur de structures métalliques des practices urbains. Au sud-ouest du pays, à Matsuyama, la ville natale du nouveau héros national – ça ne s’invente pas ! -, cette propension à supporter Hideki ne date pas d’hier. Dans ce petit port, tout le monde le connaît, tout le monde s’est approprié sa victoire, en trinquant à la bière locale et aux alcools de riz. Le jour prochain où il va revenir sur ses terres natales, arborant sa veste verte – même si officiellement les champions n’ont pas le droit de la porter hors de l’enceinte du club géorgien -, l’enthousiasme risque de ressembler à de l’hystérie collective… même si le garçon est plutôt d’une nature réservée.
Avant d’en arriver là, Justin Rose avait mis le feu aux poudres dès le jeudi, en rendant déjà une carte de 65 malgré deux bogeys sur ses premiers trous. Malheureusement pour l’Anglais, la suite de sa semaine allait s’avérer moins fructueuse. D’autant têtes de série ont trébuché, ont glissé sur les patinoires des greens, se sont noyés dans les pièces d’eau du retour. Exit les Johnson, Garcia, Koepka, Westwood, McIlroy…, tout comme Victor Perez qui n’a pas su reproduire sa performance de l’automne dernier, lorsque le Masters s’était joué à une date inhabituelle pour cause de Covid. Le premier tour de Victor bouclé en 78 a pesé lourd dans la balance. Même si vendredi, le Tarbais corrigeait la mire, il était trop tard. Pas de quoi remettre en question ses bonnes performances américaines de ces dernières semaines entre The Players et le WGC Match Play. En mai, il sera au départ de l’USPGA Championship à Kiawah Island, le site hôte de la Ryder Cup 1991. Antoine Rozner, récent vainqueur à Dubaï et au Qatar, sera également de la fête en Caroline du Sud. Tout comme Hideki Matsuyama, bien sûr !
Masters 2021, Augusta National, par 72
1 | Matsuyama H. | Jap | 69+71+65+73=278 | -10 |
2 | Zalatoris W. | USA | 70+68+71+70=279 | -9 |
3 | Spieth J. | USA | 71+68+72+70=281 | -7 |
| Schauffele X. | USA | 72+69+68+72=281 | -7 |
5 | Rahm J. | Esp | 72+72+72+66=282 | -6 |
| Leishman M. | Aus | 72+67+70+73=282 | -6 |
7 | Rose J | Eng | 65+72+72+74=283 | -5 |
MC | Perez V. | Fra | 78+73=153 | +7 |