Une première en automne, une première pour Dustin Johnson, ce Masters 2020 restera dans les annales pour de nombreuses raisons et autant de records. Le N°1 mondial, leader dès le jeudi, n’a laissé à personne le soin de mener les débats, « DJ » a dominé Augusta de sa puissance comme de son intelligence. Pour une première, Victor Pérez a tenu le coup, le Français termine 46e après s’être bien battu sur un parcours au top, en l’absence du public.
Par Claude Granveaud-Vallat, photos Augusta National et PGA Tour.
En avril 2019, Dustin Johnson avait dû se contenter d’une 2e place, dans l’ombre d’un Tiger renaissant, encore plus grand que jamais, sur le podium du Masters. Dix-huit mois plus tard, dans une édition bouleversée par la crise sanitaire, Dustin Johnson a pris les choses en main dès le jeudi. Pourquoi attendre pour afficher ses ambitions lorsqu’on a les moyens de les assumer sur le terrain ! Au prix de mises en jeu surpuissantes, d’approches subtilement distillées et d’un putting aiguisé, « DJ » a donné le ton avec une première carte de 65. Certes il n’était pas seul à avoir rendu une si belle carte mais certains de ses adversaires avaient, pour leur part, déjà décroché… A l’image d’un Bryson DeChambeau, récent vainqueur de l’US Open, qui allait concéder plusieurs double-bogeys sur les par 5. Le samedi, avec un putter chaud comme la braise, Dustin rééditait son exploit avec un eagle et cinq birdies sans l’ombre d’une bogey sur une carte quasi parfaite.

Des prétendants comme Jon Rahm, Patrick Reed ou Patrick Cantlay décrochaient à leur tour tandis que le soleil avait fait son retour sur le sud des États-Unis, les deux premiers tours ayant été perturbés par la pluie avaient entraîné des décalages dans les départs.
Cameron Smith
Dimanche, le N°1 mondial s’élançait avec quatre coups d’avance sur l’Australien Cameron Smith et le Sud-Coréen Sungjae Im, et six sur son compatriote Justin Thomas. Peut-être un peu tendu par l’enjeu, contrarié par un vent qui s’était levé sur Augusta, Johnson concédait deux bogeys sur l’aller (au 4 et au 5), des erreurs compensées par des birdies au 3, au 6 et au 8. De quoi virer toujours en tête tandis que personne ne parvenait à réellement recoller au score. Encore trois birdies d’affilée du 13 au 15 et Dustin Johnson pouvait sourire tandis que son frère portait son sac, à ses côtés. Vainqueur de l’US Open 2016, Dustin avait parfois tremblé à l’approche de l’instant décisif mais, à 36 ans, l’homme a atteint une maturité qui justifie cette superbe victoire, avec seulement quatre bogeys en 4 tours.

Comme le disait Jean Van de Velde, au commentaire d’une chaîne cryptée, « C’est la consécration du meilleur joueur de l’année ». Sur le green du 18, Dustin pouvait tomber dans les bras d’Austin, son frère, avant d’embrasser Paulina, sa chérie, et de câliner leurs fils Tatum et Jones. Ce joueur à l’adolescence compliquée, ayant connu des moments d’égarement dans les rues glauques de Columbus, Caroline du Nord, a su corriger le tir dans des périodes difficiles. Ses yeux mouillés en prenant le micro, après que Tiger Woods l’ait aidé à enfiler la veste verte, en disaient long sur son émotion…

Vingt coups sons le par, un record à Augusta mais aussi tous majeurs confondus. Même Tiger à sa grande époque n’avait jamais atteint un tel score, seul son écart sur ses dauphins demeure plus important que les cinq coups qui séparaient Dustin de Sungjae et Cameron dimanche après-midi. A 27 ans, Cameron Smith – lors de son 4e Masters – devient le premier joueur à rendre quatre cartes dans les 60 (67-68-69-69) à Augusta. Là encore, ni Tiger, ni le grand Jack Nicklaus n’y était parvenu par le passé. Et que dire de la prestation de Bernhard Langer… A 63 ans et quelques mois, l’inaltérable Allemand s’est offert le record d’âge en passant le cut le vendredi soir. Son 68 du premier tour, auréolé de six birdies pour deux bogeys, laissait pantois bien des jeunots, des athlètes frappant bien plus fort que lui mais souvent mal à l’aise autour des greens… Le dimanche, Langer a joué en compagnie de Bryson DeChambeau, deux approches du jeu très différentes, deux morphologies éloignées là où Bryson pourrait être le fils de Bernhard… Quelques heures plus tard, le sourire du blond Germain en disait long sur sa satisfaction, en saluant son partenaire à la fin de son 37e Masters (vainqueur en 1985 et 1993) ! Passé pro en 1974, à 17 ans, Bernhard Langer est un exemple de longévité au plus haut niveau.
Bernhard Langer
En 1976, lors de The Open Championship, il croisait Gene Sarazen, un champion américain né en 1902 – un des cinq phénomènes à avoir remporté les quatre Majeurs. Cette année, au Masters, Langer se retrouvait avec Abel Gallegos, un espoir amateur argentin né en 2002. Un siècle d’écart entre Gene Sarazen et Abel Gallegos mais, en une seule vie, Bernhard Langer aura eu la chance et l’honneur de côtoyer ces deux joueurs. En cet automne de tous les dangers, cette anecdote reprise par Joe Peta – un statisticien du sport américain – est exceptionnelle. Pas sûr que les champions de demain aient la même longévité et, surtout, gardent le même enthousiasme sur le parcours que la légende teutonne qui sévit aussi sur le Champions Tour…

L’an dernier, année du 15e sacre majeur de Tiger Woods, quelques-uns des adversaires du Tigre avaient vu leurs espoirs disparaître le dimanche dans les eaux du Rae’s Creek, ce ruisseau bordant le green du 12. Adieu les Koepka, Poulter, Molinari, Finau… Dimanche après-midi, c’est Tiger qui a perdu pied sur ce trou.
Trois balles dans l’eau pour un 10 sur la carte, son pire score en Majeur en 25 ans, en auraient anéanti plus d’un. Il ne sautillait pas en quittant le green mais dans la foulée, au prix de nerfs d’acier, un mental hors normes et d’une rage toute « tigresque », il allait enfiler cinq birdies sur les six derniers trous d’une partie légendaire. Mais de quel bois est fait cet homme ? Qu’est-ce qui coule dans ses veines ? A bientôt 45 ans, Tiger n’a pas fini de nous étonner, ni de nous faire rêver…
Plus discret tout au long d’une semaine où il découvrait l’ambiance extraordinaire d’Augusta et du Masters, Victor Pérez, le seul Français invité cette année, a tenu son rang avec élégance et talent. Il a franchi le cut sans encombre avant de vivre un samedi difficile, quelques approches hasardeuses, des putts qui ne tombent pas…, et le score ne tardait pas à s’envoler dans le ciel gris de Géorgie. Le dimanche, un birdie sur le dernier trou pour une carte dans le par lui redonnait le sourire.
Victor Pérez
Le Tarbais pouvait être satisfait de sa semaine, terminant 46e devant Zach Johnson, Phil Mickelson ou Bubba Watson, tous anciens vainqueurs sur ces pelouses immaculées. Si le grand jeu de Victor a été à la hauteur de ses attentes, un putting un peu timide mériterait d’être corrigé… Il aura l’hiver pour y penser puisque Victor Pérez est d’ores et déjà qualifié pour disputer le Masters 2021, en avril prochain, si tout va bien !
Masters 2020, Augusta National, par 72
1 | Johnson D | USA | 65+70+65+68=268 | -20 |
2 | Im S. | Ko | 66+70+68+69=273 | -15 |
| Smith C. | Aus | 67+68+69+69=273 | -15 |
4 | Thomas J. | US | 66+69+71+70=276 | -12 |
5 | McIlroy R. | NIr | 75+66+67+69=277 | -11 |
| Frittelli D. | SAf | 65+73+67+72=277 | -11 |
7 | Koepka B. | USA | 70+69+69+70=278 | -10 |
| Rahm J. | Esp | 69+66+72+71=278 | -10 |
| Pan C.T. | Tai | 70+66+74+68=278 | -10 |
46 | Perez V. | Fra | 70+71+76+72=289 | +1 |