De la balle de cuir bourrée de plumes aux alvéolées modernes, la technologie a évolué au fil de deux siècles remplis d’histoires et d’anecdotes. Si les “featheries” se font très rares, les ” gutties “, vestiges d’une époque pas si lointaine, sont très recherchées et tiennent la cote chez les collectionneurs…
Par Claude Granveaud-Vallat

En bon manufacturier de caoutchouc, Michelin-en son temps-a aussi fabriqué des balles de golf!
Un caillou, une bille de bois.. et enfin les premières balles en cuir voyaient le jour au XVIIIe siècle en Écosse comme aux Pays-Bas. En 1743, Thomas Mathison, dans un poème intitulé “The Goff “, parle d’une balle faite de plumes et volant à souhait…
Poches en cuir cousu, les «featheries » sont bourrées de plumes bouillies et encore humides qui, en séchant vont donner son volume et sa résistance à la balle. Un bon artisan peut en fabriquer cinq par jour. Un souci, la fragilité du projectile et son coût. Confectionnées à la main ces balles coûtent plus cher que les clubs. On n’hésite à les chercher au-delà d’un temps – pas encore réglementé – lorsqu’elles s’égarent dans la lande… L’humidité les alourdit, leur faisant perdre de la tonicité et de la distance. Le jeu en est vite aléatoire d’autant que fairways et greens ne sont pas tondus comme aujourd’hui.
De la feathery à la gutty…
En 1848,le docteur Robert Adams Paterson, pasteur écossais, reçoit un colis des Indes protégé par une couche de gutta-percha, un latex provenant d’arbres de Malaisie. Par inadvertance, son fils fait tomber le paquet dans de l’eau chaude. Malheur… non miracle! Le pasteur s’aperçoit que la gutta-percha ramollit dans l’eau chaude et durcit en séchant.

La sottise de l’enfant venait de révolutionner le jeu de golf. La «gutty » était née. Il ne restait plus qu’à importer ce latex d’Asie, l’industrialisation du XIXe siècle allait s’en charger. Cette balle coûte beaucoup moins cher que la« feathery » mais elle vole mal sauf lorsqu’elle est abîmée !

À tel point que les caddies taillent des stries sur le caoutchouc sans trop comprendre pourquoi. Il n’en faut pas plus à Lord Balfour, futur Premier Ministre britannique, pour imaginer les alvéoles, conforté dans ce sens par des ingénieurs étudiant les forces de portance (effet Magnus).
Les balles étant moulées à chaud avant d’être trempées dans de l’eau froide, on fabriqua des moules aux formes souhaitées. Avant d’être conçues par ordinateur, les alvéoles ont connu toutes les formes : carrées, ovales, rondes, en nid d’abeilles, convexes ou concaves au gré des fabricants.
Haskell, la balle moderne
En 1898, Coburn Haskell, industriel américain, met au point un nouveau concept de balles à Akron, dans l’Ohio. Un noyau dur, un long fil de caoutchouc tendu et enroulé autour, le tout recouvert d’une coque en gutta-percha donne plus de souplesse et de longueur à la « Haskell ».


Très vite, le marché va se développer et les marques s’octroient l’image des champions pour promouvoir leurs produits. En 1899, Spalding lance la “Var don Flyer”, invitant à grand frais Harry Vardon pour une tournée aux Etats-Unis. En 1900, Vardon remporte l’US Open à Chicago en jouant sa propre balle. L’enthousiasme pour cette balle traverse l’Atlantique plus vite que le bateau qui le ramenait en Angleterre. En 1920, le Royal & Ancient de Saint Andrews et l’USGA définissent des normes liées aux qualités physiques des balles, à leur taille comme à leur poids. Les marques foisonnent, les balles Colonel font le bonheur des joueurs sur tous les greens du monde. Le marché n’a jamais cessé de s’accroître depuis cette époque.

À la fin des années 60, la balle américaine (1,68 pouce) allait prendre le dessus sur sa cousine anglaise (1,62) plus petite et donc à la trajectoire plus longue puisqu’elle offrait moins de résistance en pénétrant dans l’air. Lors du British Open 1974, la grosse balle est devenue officielle sur toute la planète, favorisant les joueurs d’outre-Atlantique durant quelques années. Leurs résultats en Ryder Cup comme dans les Majeurs en sont une des conséquences au-delà du talent des Nicklaus, Watson, Miller et autres Tre vino, bien sûr.
Aujourd’hui, même si on va encore plus loin, on perd toujours autant de balles… De quoi donner le sourire aux fabricants sur un marché porteur produisant plus de 40 milliards de balles chaque année !
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