A 27 ans, Bryson DeChambeau remporte son premier Majeur, l’US Open. Et de quelle manière, en appliquant sa tactique de l’attaque à outrance jusqu’au bout, quitte à maltraiter le parcours… Seul joueur sous le par le dimanche, seul joueur sous le par sur les 4 tours, il répond de la meilleure façon aux critiques liées à sa vision de la compétition. Seul Français à l’arrivée, Romain Langasque partage la 34e place, un très bon résultat pour l’Azuréen.
Par Claude Granveaud-Vallat, photos USGA et DR.
Le mois dernier, ils s’étaient quittés à égalité, partageant la 4e place de l‘USPGA Championship. Ils se sont retrouvés en dernière partie dominicale de l’US Open, prêts à en découdre pour un titre majeur. Et pourtant tout sépare Matthew Wolff et Bryson DeChambeau, tout sauf le talent et leurs origines californiennes… A 21 ans, Wolff a encore tout à apprendre du très haut niveau même s’il côtoie déjà l’élite avec une certaine réussite. Ce jeune loup aura d’autres opportunités, c’est certain, même si son swing très mouvementé peut paraître inadapté sur le long terme. L’avenir nous le dira !
Matthew Wolff
En tête après trois tours, il devançait Bryson DeChambeau de deux coups en arrivant sur le tee du 1 du Winged Foot Golf Club, un parcours proche de New York inauguré en 1923. Allait-il être capable d’affronter ce terrain préparé à la perfection avec des fairways étroits à la chute de drive, des greens dantesques offrant des pentes de folie, obligeant à jouer à gauche pour finir à droite, ou le contraire, durant plus de quatre heures… ? Allait-il résister aux assauts de DeChambeau, la machine à swinguer, à putter, l’homme qui analyse tout en amont du jeu, laissant peu de place à l’improvisation tout en étant capable de sortir des coups exceptionnels ? Bryson ne semblait pourtant pas l’impressionner outre mesure, Matthew s’est juste laissé prendre par la pression permanente exercée par le parcours. Très vite, la course au titre se résumait à un match-play en dernière partie, les 59 autres joueurs encore en lice se contentant de limiter la casse, courbant l’échine sous les coups assassins du parcours. Après trois bogeys sur les huit premiers trous qui lui ont fait perdre son avance, ce n’était pas l’eagle au 9 de Wolff – en réponse à celui de son partenaire – qui allait inverser la tendance. Un double bogey sur le 16 allait clore le débat tandis que DeChambeau avait fait le break avec un birdie sur le 11. Ensuite, « La Machine » s’est contentée de gérer le parcours, enchaînant des pars jusqu’à la délivrance. En signant une carte de 67, Bryson réalisait un véritable exploit avec le seul score sous le par de la journée. Même si les scores sont souvent élevés lors de l’US Open, il était également le seul joueur à avoir dominé le parcours sur l’ensemble des quatre tours, sans jamais scorer au-dessus du par.
Bryson DeChambeau
Des stats, des résultats qu’il avait programmés quelques mois plus tôt, lors du confinement, une période privée de tournois où le Californien a soulevé de la fonte plus que de raison. Une bonne douzaine de kilos de muscles allait-elle l’aider à conforter sa tactique de l’attaque à tout va ? Sa victoire dans le Michigan, lors de la reprise du Tour début juillet, déjà devant Matthew Wolff !, pouvait le laisser entendre mais elle n’a pas été suivie de confirmation. Tous ceux qui voyaient dans l’évolution de sa morphologie une catastrophe y allaient de leurs diatribes… Des quolibets bien légers pour déstabiliser ce garçon aux convictions bien ancrées. Sa force de caractère est sans doute plus puissante que sa masse musculaire ! Même si certaines de ses déclarations au sujet de son espérance de vie jusqu’à 130 ans peuvent relever de la mégalomanie… Et de la provocation !
Bryson DeChambeau
Mais, club en mains, ce garçon a bien les pieds sur terre. Et il fracasse à tout rompre, se faisant fi des trajectoires classiques, n’hésitant pas à couper, à lâcher ses mises en jeu dans d’épais roughs qu’il s’empresse de déglinguer à grands coups de wedge ou de fer 7… Sa position d’apparence rigide – bas tendus à l’adresse – peut surprendre. Elle demande une grande puissance du corps dans sa rotation, et cela passe par d’énormes efforts de gainage en amont… Une fois sur les greens, cette puissance laisse place à la vista. Il a l’œil le champion ! Combien de centaines de mètres de putt a-t-il enfilées cette semaine ? Sa routine est un peu longue, difficile de le nier mais les arbitres devraient être là pour veiller au grain… A eux de faire leur boulot ! Face à la ligne de putt, son cerveau contraint par sa casquette devenue légendaire semble alors s’isoler, plus rien ne vient le perturber, jusqu’à voir la balle disparaître au fond du trou… Le but du jeu !
Bryson DeChambeau
Dimanche, près de New York, il a excellé dans ce domaine. Là où tant de joueurs ont concédé des coups au parcours, lui est resté de marbre, sur des greens de glace. Il a fallu attendre celui du 18 pour le voir exulter, serrant le poing, laissant percevoir un avant-bras très musclé… Face au tableau de scores, l’hégémonie américaine faisait rage, seul le Sud-Africain Louis Oosthuizen parvenait à se hisser sur la 3e marche du podium. Un peu plus loin, le Nord-Irlandais Rory McIlroy, l’Anglais Lee Westwood et le Norvégien Viktor Hogland relevaient l’honneur de la bannière européenne. Une maigre consolation pour les joueurs du Vieux Continent !
Romain Langasque
Parmi eux, quatre Français étaient au départ de l’épreuve le jeudi, une première lors d’un US Open. Pour Paul Barjon, Victor Pérez et Mike Lorenzo-Vera, la fête s’est arrêtée le vendredi soir, tout comme pour des joueurs aussi emblématiques que Tiger Woods, Phil Mickelson, Sergio Garcia, Justin Rose… Dans le camp tricolore, seul Romain Langasque demeurait en lice. Même si, en début de semaine, le Cannois disait apprécier les parcours difficiles, celui-là ne l’a pas épargné. « +13 » à l’arrivée, un score qui le laissait au cœur du peloton, là où il admettait avoir beaucoup appris en quelques jours. Une première expérience majeure forcément bénéfique pour un joueur qui n’hésite pas à afficher ses ambitions même si, à 25 ans, il ne fait déjà plus partie des « rookies ».
Du 12 au 15 novembre, Augusta National accueillera le Masters, la dernière levée majeure d’un calendrier chamboulé. Qui viendra succéder à Tiger Woods ? Qui enfilera la veste verte sur un parcours où les azalées printaniers seront fanés depuis longtemps ? Qui complétera le palmarès majeur d’une saison pas ordinaire, aux côtés de Collin Morikawa et de Bryson DeChambeau ? Les pronostics vont déjà bon train, l’automne géorgien aura-t-il une incidence sur la préparation du terrain ? Le parcours de Bobby Jones et d’Alister MacKenzie se montrera-t-il plus clément qu’à son habitude pour des swings las d’une saison compliquée ? Pas sûr…
US Open 2020, Winged Foot GC, West course, par 70
1 | DeChambeau | USA | 69+68+70+67=274 | -6 |
2 | Wolff M. | USA | 66+74+65+75=280 | 0 |
3 | Oosthuizen L. | SAf | 67+74+68+73=282 | +2 |
4 | English H. | USA | 68+70+72+73=283 | +3 |
5 | Schauffele X. | USA | 68+72+70+74=284 | +4 |
6 | Johnson D. | USA | 73+70+72+70=285 | +5 |
6 | Zalatoris W. | USA | 70+74+70+71=285 | +5 |
34 | Langasque | Fra | 71+74+75+73=293 | +13 |
Cut | Barjon | Fra | 77+71=148 | |
Cut | Pérez | Fra | 76+74=150 | |
Cut | Lorenzo-Vera | Fra | 73+77=150 | |